Depuis les années 2010, l’orientation participative des politiques publiques françaises en faveur des usagers des établissements et services des secteurs sanitaire, social et médico-social a pris un nouveau tournant avec l’introduction des pairs. Celui-ci désigne un type d’acteur nouvellement reconnu et légitimé par la puissance publique au nom de ses savoirs expérientiels : expérience de la vie à la rue, expérience de la maladie chronique, expérience des addictions, expérience des situations de handicap, etc. Les pairs sont ainsi recrutés au sein des équipes pluri-professionnelles de la politique publique Un Chez Soi d’Abord s’adressant aux personnes sans-abris. D’autres sont sollicités pour participer à la Réponse Accompagnée Pour Tous concernant les personnes en situation de handicap, vivant avec une maladie chronique ou un trouble de la santé mentale et leur famille. D’autres encore sont attendus pour rompre la solitude et co-construire des relations solidaires et réciproques au sein des Groupes d’Entraide Mutuelle. Certains sont inscrits dans des dispositifs de santé voire de santé publique pour participer à des programmes d’éducation thérapeutique ou de prévention de la santé, etc.
Suite à cet intérêt manifeste des politiques publiques contemporaines pour les pairs, les pratiques de l’accompagnement et du soutien par les pairs, leurs contextes et les statuts se démultiplient. Ce qui n’est pas sans interroger les enjeux sous-tendant cette participation.
Est-ce le développement de la fonction de pair-accompagnant ou bien le déploiement de politiques publiques qui est privilégié ? Est-ce une volonté de démocratisation de secteurs d’activité ciblés et d’amélioration des politiques publiques, ou, à l’inverse, est-ce l’ambition d’amener les pairs à cautionner par leur participation les politiques publiques ? S’agit-il de reconnaissance des savoirs expérientiels des pairs et de leur possible contribution à notre société ? Ou encore s’agit-il d’une nouvelle forme d’activation des citoyens ? La finalité de cette participation des pairs est-elle un élargissement des possibilités de soutien et d’accompagnement ? Est-ce un appel à des profanes permettant de limiter les dépenses publiques ? La participation des pairs a-t-elle pour objectif de rendre plus compliantes les populations ciblées par les politiques publiques ? Ou est-ce de normalisation et d’inclusion des pairs-accompagnants par une formation et une professionnalisation ad hoc dont il est question ?
Ce colloque entend interroger les enjeux sous-tendant ces multiples formes pratiques de la participation des pairs dans les secteurs de la santé, du social, du médico-social ou encore en autogestion au-delà de leurs frontières. Il se donne pour objectif à la fois de les discerner, de les définir et les qualifier, de clarifier leurs conséquences pratiques.